13 octobre 2011
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Le défi était de taille. Justement : défi de grande taille pour texte de taille ridicule. Une page. Une petite page. Voilà la générosité de ce cher éditeur. Moi qui ne sait pas appeller un chat... un chat! Qui ne sait pas dire les choses simplement. Alors écrire, vous pensez bien! Bon j'ai accepté l'exercice périlleux pour ma plume indomptable et bavarde. La mater. Lui rappeler qui était le patron. J'ai trituré mes mots, les ai condensés, malaxés, compressés... Je les entendais se plaindre qu'ils étouffaient, que ça n'était pas une vie, des mots et pas des maux, appels à la lutte, au respect des inter-mots, des espaces, des ponctuations, à la mobilisation, au bras de fer...
J'ai dompté tout çà d'une plume de fer. Sales caractères!
Ecrire une nouvelle d'une pauvre petite page sur le thème "Quand tout bascule"!
Notre éditeur était intraitable : pas un signe de plus! ... ou ce sont les oubliettes, pire l'échafaud! Non...pas la censure!
...même pas peur!
Alors j'ai écrit... trop long... taillé...ça ne rentre pas...retaillé...toujours pas... me suis un peu énervé... supprimé quelques nouvelles fioritures pourtant délicates... ai maudit mon éditeur tortionnaire... puis ce texte ne ressemblait plus à rien... allez hop encore un coup de serpe et... trop long... Bon je jette l'éponge, pas fait pour moi cet exercice... j'aime trop l'espace des pages blanches qui vous donne le vertige, tous ces mots pressés qui se bousculent pour s'y engouffrer, l'exquise liberté d'écrire large... XXL!
Et puis, comme les autres j'ai "cadré serré " mes largesses plumesques,
j'ai composé avec les "contractions essentielles"...
Voilà enfin le fruit précieux de cet accouchement collectif aux forceps, dit "condensé" de nos compressions cérébrales.
" Quand tout bascule"
Ouvrage collégial de quelques-uns des auteurs de Chloé des Lys.
Finalement quelle bien belle aventure de tous se retrouver "blottis" dans ce livre, chacun avec ses visions toutes personnelles de ces moments qui font basculer les vies...
Vous retrouverez dans ces pages les textes " taillés" des incontournables talents... Edmée de Xhavée, Carine-Laure Desguin, Christine Brunet, Emilie Décamps, Sophie Vuillemin, Christian Van Moer, Laurent Dumortier, Claude Colson, Léo Sani, Louis Delville, Adam Gray, Florian Houdart, Gauthier Herniaux... et toute une pléïade d'autres talents qui font la richesse de cette maison d'édition atypique. Me voilà encore très fier de me retrouver en leur belle compagnie...
A consommer sans aucune espèce de modération.
A commander aux éditions Chloé des Lys.
LA RUPTURE
Les paysages défilaient dans une indifférence désolante. Lui, pourtant tellement sensible aux charmes des espaces libres et équilibrés. Elle, tellement friande des soleils orangés sur les terres. Quatre yeux perdus absorbés par une mer de bitume qu’ils dévoraient comme des morts de faim. Deux jours canailles volés à leurs vies respectives et hermétiques. Avec ce plein amour, voluptueux et tellement encombrant. Avec ces incessantes séparations des cœurs et des corps, cruellement et injustement desserrés, ces sanglots amers et épineux, ces vides brutaux et noirs. Deux passions en pointillés qui ne verraient jamais le calme fleuve d'un quotidien partagé, continu et serein. Alors ils roulaient vers de nouvelles étreintes délicieusement clandestines. Vers les plages ensoleillées sous des ciels tolérants où poser leurs désirs coupables. Et les kilomètres qui toujours s’embobinent comme un film muet désespérant. Et lui qui se dit qu’il va lui avouer. Que ce seront là leurs ultimes caresses. Par lâcheté. Par peur. Elle qui mime dans sa tête lasse sa tirade définitive. Lui balancer d’un jet assuré qu’elle assez attendu. Qu’elle quitte leurs connivences mystérieuses. Par amour. Oui parfaitement, par amour. Là, maintenant. Parce qu’elle a compris qu’il ne serait jamais complètement sien. Plus la force de partager et de sucer les restes, fussent-ils sensuels et savoureux. Marre de souffrir de concert. Chacun dans ses attentes. Le soleil couchant, le port, des inconnus qui passent, se croisent et la précieuse liberté de s'effleurer les lèvres, de se lier les corps. Ce restaurant bruyant plein de verbes agités qui luttent, ces musicos jazzy qui déversent de la mélancolie à quat’sous. Quelques pas dans la nuit épaisse. Un bar. Des cocktails troublants qui libèrent les mots maladroits. De nouveaux pas dans la nuit. Là, maintenant, tout dire. Des mots durs dans des bouches enivrées et tordues. Et ces brumes de désespérance qui glissent de quatre yeux accablés. L’un. L’autre. L’autre. L’un. La détresse des ultimes regards, des souvenirs brûlants, des corps à corps somptueux. Alors il l’entraîne dans cette course folle sur la plage déserte, ils tombent, se relèvent, courent encore, mêlent leurs pleurs et leurs cheveux jusqu’aux draps tant désirés où ils abandonnent aux diables leurs promesses absurdes. Un matin délicieux. Du soleil plein les persiennes. Des valises bâclées. Un avion tout bleu qui vole bien au-dessus de leurs vies.
Tellement serrés. Tellement hauts. Beaux.
Inaccessibles.